Monsieur le Préfet,
Monsieur le Général,
Mesdames, Messieurs les élus,
Messieurs les Présidents des Associations d’Ancien Combattants,
Mesdames, Messieurs les Porte-Drapeaux,
Mesdames, Messieurs,
Nous voici au seuil de cycles commémoratifs d’une importance exceptionnelle pour notre pays, pour l’Europe et pour le Monde.
Nous célébrons cette année le Centenaire de la Première Guerre mondiale et le soixante-dixième anniversaire de la Libération de la France.
Dans notre histoire française, la Grande Guerre occupe une place particulière. Elle est l’une des plus dures épreuves qu’ait connue la population française dans son ensemble. Notre sol a été, non pas le seul, mais le principal théâtre du conflit.
La Grande Guerre suscite encore et toujours une passion que le temps non seulement n’altère pas, mais ranime.
Le souvenir de la Grande Guerre est présent dans chaque village, dans chaque ville, parce qu’il n’y a pas de commune en France où un monument aux morts n’ait été érigé, parce qu’il n’y a pas de commune en France où il n’y ait pas eu de victimes de la Première Guerre mondiale.
Mes deux grands pères prirent part au conflit, et je mesure d’autant plus la nécessité de ne pas oublier.
Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre et envahit la Belgique. La guerre ne devait durer que quelques semaines. Les Nîmois manifestaient leur sympathie aux 3 000 soldats partant la fleur au fusil pour le front.
Après le baptême du feu de ce mois d’août 1914, après l’effroyable saignée de la guerre de mouvement, l’horreur des tranchées attendait les survivants de ces premiers massacres.
Aujourd’hui je souhaite, au nom de la République, qu’aucun des Français qui participèrent à cette mêlée furieuse ne soit oublié.
Le 11 novembre 1918 à 11 heures, les clairons sonnaient le cessez-le-feu. Alors que le canon tonnait dans le ciel de la capitale, les parlementaires de la Chambre et du Sénat, émus jusqu’aux larmes, entamaient en chœur la Marseillaise.
Aux yeux de tous, durant quatre années, la France aura connu pour la première fois la mort de masse. Des forts de Verdun aux champs de bataille de la Somme, des plaines d’Artois aux montagnes du front d’Orient, sur terre, sur mer et pour la première fois dans les airs, les hommes sont venus mourir de tous les continents.
La France éprouva dans cette horreur le sentiment de son unité avec une intensité qu’elle n’avait jamais éprouvée auparavant. Le mot fraternité prit dans le malheur un sens qu’il n’avait jamais eu.
Les quatre années de guerre ont changé l’histoire du monde, laissant une Europe divisée et durablement affaiblie.
Aujourd’hui, la France se souvient du sacrifice de ses enfants et n’oublie pas celui de tous les hommes qui ont donné du sens aux vertus du devoir, du courage et du sacrifice.
Tous furent des héros. Cette cérémonie est l’occasion de leur rendre hommage.
Pendant la Grande Guerre, tous les Français en âge de combattre furent soldats. Certains devancèrent même l’appel parce que la France les avait accueillis et qu’ils voulaient honorer la dette qu’ils pensaient avoir à son égard.
Je souhaiterais avoir une pensée toute particulière pour Guillaume, Albert, Vladimir, Apollinaire de Kostrowitzky, plus connu sous son pseudonyme, Guillaume APOLLINAIRE.
Né à Rome d’une mère issue de la noblesse polonaise et de père inconnu, considéré comme apatride, son engagement lui permettra d’acquérir la nationalité française.
Le 5 décembre 1914, il rejoint les casernements du 38ème d’artillerie de campagne situés route d’Uzès à Nîmes. Envoyé sur le front le 4 avril 1915, affecté au 96ème régiment d’infanterie avec le grade de sous-lieutenant, il sera blessé à la tempe en 1916. Il s’éteindra le 9 novembre 1918, deux jours avant l’armistice.
Aujourd’hui, en ce 11 novembre 2014, la communauté nationale se retrouve autour des monuments aux morts. La France n’a existé que parce que des femmes et des hommes ont accepté de se sacrifier à sa cause.
Je souhaiterais :
- Honorer ceux que l’on n’a jamais honorés, ceux que l’on a oubliés.
- Saluer l’engagement fraternel des 430 000 soldats venus de toutes les colonies, de l’Afrique à l’Asie du Sud-Est et qui ont pris part à une guerre qui aurait pu ne pas être la leur ;
- Rendre hommage aux Femmes de France qui, par leur labeur, leur engagement et leur vaillance apportèrent une contribution essentielle à la conduite de la guerre. Par exemple, à Nîmes, aux Halles plus précisément, plus de la moitié des étals étaient tenus par des femmes. L’industrie, les ateliers de cuir et du textile employaient plus de 90% de femmes.
La France se souvient et rend hommage à tous les belligérants européens, alliés de toujours et ennemis d’hier, aujourd’hui réconciliés dans une Europe de paix autour de l’héritage commun du souvenir de la Grande Guerre.
Les victimes n’ont plus d’uniformes. Elles reposent à égalité de respect. Le Centenaire n’a pas vocation à exhumer les combats d’hier mais à unir les mémoires.
C’est dans cet esprit que j’ai l’honneur de remettre ces médailles de la Ville de Nîmes aux porte-drapeaux officiels des Associations d’Anciens Combattants afin de rendre hommage, au nom de la Nation française, aux combattants et aux disparus de la Grande Guerre.
Cette fonction hautement symbolique assure la transmission de notre héritage aux nouvelles générations.
Avec ce geste, nous espérons modestement, y participer.
Alors que s’en est allé Lazare Ponticelli, dernier représentant de la génération sacrée des Poilus, nous entrons dans le temps de l’Histoire, un temps où nous contemplons désormais ces événements du passé sans le regard des derniers témoins.
Ce temps de mémoire arrive à un moment où la France s’interroge sur elle-même, sur sa place, sur son avenir. C’est pourquoi il est essentiel de donner du sens à l’acte même du souvenir.
Nous avons tous un devoir moral : faire en sorte que ce « Souvenir oublié vivant dans toutes choses » dont parlait Guillaume APOLLINAIRE, que cette Histoire continue d’être une Histoire partagée, dans laquelle chacun reconnaît une part de lui-même et puise cette fierté de notre pays que nous voulons garder et transmettre à nos enfants.
« Plus jamais ça » s’écrièrent les survivants qui revinrent de l’enfer.
Ils avaient fait leur devoir. Mais ils l’avaient fait d’abord pour que leurs enfants n’aient pas à leur tour à souffrir comme ils avaient souffert.
Ils voulaient que cette guerre fût la dernière des guerres. Ils voulaient qu’en regardant en face cette horreur et cette souffrance, chaque homme se guérît de cette folie qui avait conduit l’Humanité à cette extrême.
A l’horreur de toutes les guerres, la seconde guerre mondiale mêla celle du génocide. Le crime inexpiable de la Shoah fit entrevoir à toute l’Humanité la possibilité de son anéantissement.
Contrairement à ce qui s’était passé après la Grande Guerre, cette fois-ci le pardon fut au rendez-vous.
Il a fallu cette horreur pour sortir tout ce qu’il y a de profond dans les liens qui nous unissent à notre pays.
La paix est un combat.
Le soir du 11 novembre 1918, Clémenceau s’adressait à ses proches en ces termes : « nous avons gagné la guerre, mais maintenant il va falloir gagner la paix ».
Ce qu’on construit pour nous Winston Churchill, Robert Schuman, Jean Monnet, Alcide de Gaspéri, Konrad Adenauer, le Général de Gaulle, sont notre bien le plus précieux.
Sans être prisonnier du passé, nos aïeux ont su se plonger dans tout ce qui leur permettait d’inventer leur liberté.
Le soldat risque sa vie, c’est le destin qu’il s’est choisi. Mais c’est un destin singulier, un destin tragique qui lui confère dans la cité une place hors du commun.
Soldats de la Grande Guerre, vous nous avez tous quittés, mais la flamme du souvenir ne s’éteindra pas.
C’est l’honneur d’un grand peuple de respecter ses soldats et d’honorer ceux qui sont morts pour le défendre.
Se souvenir, c’est aussi porter un message de confiance dans notre pays : « Vieille France, écrivait le général de Gaulle, accablée d’Histoire, meurtrie de guerres et de révolutions, mais redressée de siècle en siècle par le génie du renouveau ! ».
Le passé n’est pas une nostalgie, il est un long segment mais aussi une obligation.
Nous ne poursuivons qu’un seul objectif : nous souvenir ensemble pour être plus forts ensemble. Voila le grand dessein de l’année 2014.
La France peut connaître des divisions, elle peut se confronter à de nouveaux défis. Mais elle est la France et c’est sa confiance qui doit nous inspirer dans ces commémorations.
Vive la République !
Vive la France !