Chaque ministre veut sa réforme. Comme si l’action à la tête d’un maroquin était uniquement liée à cette capacité à remettre en question les choses établies et à engager la France sur de nouveaux chemins. Alors que le gouvernement semble bien en manque d’inspiration dans le domaine économique, la hausse continuelle du chômage vient encore de le prouver, l’éducation est un terrain très fertile en idées nouvelles pour le gouvernement. Après la réforme des rythmes scolaires dont les lourdes conséquences n’ont pas été anticipées, loin s’en faut, la mise en place des nouveaux programmes scolaires pour les collégiens est le nouveau champ de bataille idéologique de la rue de Grenelle. Et sur ce point, Najat VALLAUD-BELKACEM joue au petit chimiste. Car à vouloir édulcorer les programmes, à les rendre plus « digestes » pour les enfants, à essayer de supprimer les enseignements dit élitistes, le ministre risque de battre en brèche le socle des savoirs fondamentaux de la République et même de la France, de son héritage et de sa mémoire. A regarder de plus près, les mesures sont graves.
Le scandale a été initié par les risques bien réels qui existent sur l’enseignement du grec et surtout du latin. Anecdotique certains diront. Je ne peux y souscrire. Surtout quand cette démarche est accompagnée par l’étrange volonté de mettre en place des cours d’improvisation au collège. En somme, Sénèque supplanté par Debbouze. Un dérèglement des valeurs tout à fait inquiétant qui va éloigner les jeunes non seulement des notions sémantiques, mais aussi et surtout de références historiques et culturelles nécessaires à la compréhension du monde qui les entoure. Demain, les vestiges qui ornent le centre de nombreuses villes françaises, Nîmes la première, ne seront plus que des amas de pierres certes esthétiques, mais vide de sens.
La réforme des programmes scolaires s’attaque aussi aux classes bilingues et à l’apprentissage de l’allemand, qui est non seulement un rempart contre une certaine suprématie de la langue anglaise à l’école, mais également une action culturelle concrète de l’amitié franco-allemande et donc de la construction européenne. La langue de Goethe, jugée souvent élitiste, risque elle de faire les frais de ce nivellement par le bas prôné par le gouvernement. Après la mise en place de cursus anglophone à l’université, c’est un nouveau coup dur pour la diversité culturelle.
Avec les programmes d’histoire, le ministre de l’Education nationale atteint des sommets d’incohérence. Le danger est grand pour nos enfants de perdre des références indispensables à l’histoire de la Nation. Car en voulant rendre certaines périodes facultatives, l’histoire perd ce qui en fait sa quintessence, à savoir la chronologie et les constructions intellectuelles du monde, de l’Europe et de notre pays en particulier. Comment envisager la Révolution sans avoir étudié les Lumières ? Comment concevoir la Renaissance sans aborder la Réforme et la pensée humaniste ? Enfin, la volonté de rendre l’étude des débuts et du développement de l’Islam obligatoire, alors que le Moyen Age chrétien ne deviendrait qu’une option programmatique, est une erreur grave. Cette démarche vise à nier près de mille ans de l’Histoire nationale au cours desquels une France en construction se distingua par un rayonnement religieux, culturel et artistique dont les plus beaux témoignages sont les églises, les monastères, les cloitres et les cathédrales.
Cette réforme aux visages multiples m’inquiète. Je ne peux pas croire que le ministre de l’Eduction nationale puisse aller au bout de ce processus qui devrait aboutir à la rentrée 2016, à moins de vouloir saccager une certaine idée de la culture, de ses héritages les plus prestigieux et de mettre en place une nouvelle échelle des valeurs, où le savoir classique serait relégué au rang d’une vulgaire option. La France, patrie des Lumières, du savoir et de l’exigence culturelle ne peut se résigner à de tels projets. Nous devons nous y opposer farouchement.